Bien évidemment, produire à nouveau des vélos en France est un défi industriel et un cadre législatif protecteur doit rendre une fabrication locale écologiquement et socialement plus vertueuse qu’elle ne l’est aujourd’hui. Rappelons cependant que la production industrielle n’est pas exempte de défaut, car les métiers pénibles et la gouvernance des entreprises qui la porte va souvent à l’encontre de la santé et de l’émancipation des travailleur·euses concerné·es. L’intérêt des groupes industriels pour l’environnement relève souvent plus du greenwashing que d’une ambition sincère.
Ainsi se féliciter de l’essor du VAE et des marges supérieures qu’il permet de dégager ne doit pas faire oublier le changement de paradigme que nécessite l’avènement d’une société de la sobriété, plus solidaire, plus empathique avec son environnement, incompatible avec le crédo du toujours plus loin, toujours plus vite, toujours plus connecté. 20% des achats de VAE correspondent à un report de la bicyclette vers le vélo à moteur, questionnons le bien-fondé de ces achats.
Si nous pouvons nous féliciter que les pouvoirs publics soutiennent enfin l’idée de produire nos vélos à proximité plutôt qu’à l’autre bout du monde, cette direction ne devrait pas être obnubilée par l’idée d’acquérir une supériorité technologique donnant l’avantage dans des rapports concurrentiels entre producteurs, quand une société résiliente et solidaire devrait être dans une démarche d’intelligence collective et privilégier le partage des savoirs.
Rappelons que derrière chaque rupture technologique, que le rapport appelle de ses vœux, se cache l’accélération de l’obsolescence des produits disponibles précédemment. Que si le rapport cible en priorité les vélos électriques et leur transformation en objets connectés, alors la réalité derrière cette rupture serait plutôt celle qui transforme le vélo, un produit facilement réparable et recyclable, en un nouveau DEEE (déchet d’équipement électrique et électronique), à l’opposé du spectre des valeurs environnementales.
Le rapport fait l’impasse également sur l’inclusion des territoires et publics que rend possible les activités associatives comme les ateliers participatifs, puisque 7000 bénévoles s’y investissent, un nombre équivalent à celui des professionnels de la réparation. L’économie de demain n’est-elle pas aussi celle-là, non plus concurrentielle mais coopérative, non lucrative, et agissant dans l’intérêt général ?
Dans cette perspective, que faut-il craindre de la volonté de « structurer un marché de seconde main des vélos » ? Aucune réponse dans le rapport quant à l’importance et la plus-value sociale du réemploi solidaire face aux entreprises classiques qui y voient un nouveau marché à conquérir.
Notons tout de même les perspectives positives que représente la volonté d’investir massivement dans un fonds vélo porté à 400M€/an, de produire des vélos de meilleure qualité (milieu et haut de gamme), la reconnaissance de la valeur de la production artisanale, la volonté de mettre en place un indice de réparabilité quand celui-ci n’est pas prévue par la REP ASL (Responsabilité Elargie des Producteurs Articles Sports et Cycles), la standardisation de composants, pour ne citer que quelques-unes des propositions intéressantes.
L’Heureux Cyclage fera parvenir ses réactions et propositions au député pour la suite de ses travaux et espère pouvoir contribuer au renouveau d’une filière plus proche de ce que nécessite l’urgence écologique.
https://guillaume.gouffier-cha.fr/wp-content/uploads/2022/02/rapport-fili%C3%A8re-velo-GGC.pdf