Sur l’ile de la Martinique, les vélos abandonnés ne sont pas de simples épaves .

Un récit sur notre société, notre rapport à la consommation et notre manière de vivre ensemble.

Collectif les vélos Marin Martinique Résidence Racines SMHLM ville du Marin Martinique

De la valeur d’usage à la valeur de consommation

Nous l’avons souvent ressenti à travers les vélos que nous croisons, il semble qu’aujourd’hui, la valeur d’un objet soit moins liée à son utilité réelle qu’à sa capacité à être consommé. Le vélo, autrefois symbole de liberté et d’autonomie, est devenu victime de l’obsolescence programmée. Nous ne jugeons plus un vélo par sa capacité à nous servir durablement, mais par son adéquation aux tendances du marché. Cette logique nous pousse collectivement à laisser de côté des objets encore utiles, à les oublier dans nos garages , privant ainsi d’autres de leur usage potentiel.

Le vélo, créateur de lien social

À travers notre expérience quotidienne, nous constatons que le vélo est bien plus qu’un simple moyen de transport.

Dans une société dominée par la technologie et la rapidité, il devient un outil de reconnexion sociale. Lorsque nous nous réunissons pour réparer ensemble un vélo à la résidence HLM Racines, nous créons des liens, nous partageons des savoirs, nous retrouvons un rythme plus humain. Cette approche collective démontre que la mobilité peut être pensée autrement, non comme une question individuelle, mais comme un enjeu communautaire où chacun, qu’il soit citoyen, association ou institution, a sa part à jouer.


L’éthique de la simplicité face à la surconsommation

Notre approche est basée sur la simplicité volontaire, se construit en opposition à une société qui nous pousse toujours à consommer plus. Nous avons choisi une autre voie : retrouver le plaisir des choses utiles, durables, et partagées.

Cette vision ne peut se concrétiser qu’avec l’engagement de tous – des citoyens qui choisissent de donner une seconde vie à leurs vélos plutôt que de les jeter, des bénévoles qui partagent leur temps et leur savoir-faire, et des institutions qui reconnaissent l’importance de soutenir ces initiatives locales porteuses de sens.

Le cycle de vie des objets

Les vélos que nous récupérons sont souvent abandonnés au premier signe d’usure. Cette tendance reflète notre difficulté collective à accepter le vieillissement, l’imperfection. À travers le travail de réparation, nous affirmons que l’usure ne signifie pas la fin d’une valeur — au contraire, ce qui est abîmé peut souvent révéler ce qui compte vraiment. C’est pourquoi nous invitons chacun, en Martinique, à porter un regard différent sur ces vélos fatigués Chaque vélo recyclé, chaque coup de main donné dans un atelier de réparation, contribue à cette révolution silencieuse des mentalités.

Local de l’association a la résidence smhlm Racine au Marin
Vers une nouvelle éthique du bien-être ?

Dans les pays dits « développés », paradoxalement, l’indice de bien-être n’augmente pas proportionnellement au confort matériel. Notre expérience locale nous montre que le véritable bien-être se trouve souvent dans la simplicité, dans la connexion avec notre environnement et notre communauté. C’est dans cette optique que nous appelons les institutions martiniquaises – mairie, préfecture, écoles, CTM espace sud etc… – à réfléchir à l’importance de soutenir des démarches qui privilégient la mobilité douce, le recyclage et la solidarité. Non comme des concepts abstraits, mais comme des pratiques concrètes qui enrichissent notre quotidien.


Conclusion : A quand la révolution du « bons » sens

En redonnant vie aux vélos abandonnés, nous ne faisons pas que de la mécanique – nous participons à une révolution silencieuse. Une révolution qui affirme que la valeur d’un objet, comme celle d’une personne, ne se mesure pas à sa nouveauté ou à son prix, mais à sa capacité à créer du lien, à apporter de la joie, à transformer notre rapport au monde .

Cette révolution, nous la voyons comme un effort collectif. Que vous soyez un simple citoyen avec un vélo à donner, un passionné de mécanique voulant transmettre votre savoir, ou un représentant d’une institution sensibilisé aux enjeux de la mobilité durable, chacun a un rôle à jouer dans cette transformation. Car c’est ensemble, à travers ces gestes qui paraissent anodins, que nous construirons une Martinique où la mobilité est bien plus qu’un simple déplacement : c’est une manière de vivre ensemble.


« Une réflexion qui vient de notre expérience au sein des Vélos Marin Martinique, une initiative locale qui, depuis février 2021, œuvre pour une approche plus humaine et durable de la mobilité en Martinique. »

Les Vélos Marin Martinique 11/10/2024